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JILFO: Autobiographie d’une lutte et d’une lutteuse

JILFO: Autobiographie d’une lutte et d’une lutteuse

Actualités

JILFO: Autobiographie d’une lutte et d’une lutteuse

calendar_today 23 Mai 2013

« Que se passe-t-il Tantie ? » 

En 2006, la Fondation Rama ouvre ses portes. Son but : aider les femmes victimes de fistules obstétricales à retrouver leur dignité mais également faire connaître cette maladie. La fondatrice, Mme Rasmata Kabré, livre son récit et son expérience face à ce fléau contre lequel elle ne ménage aucun effort.

« Je m'appelle Rasmata Kabré, je suis mariée et mère de cinq enfants. J'ai suivi une formation de d'accoucheuse auxiliaire. En 2002, je suis partie à Niamey pour fonder le Club des femmes professionnelles des carrières libérales et commerciales. Durant ce voyage, j'ai été amenée à visiter un hôpital et à être en contact, pour la première fois, avec des femmes souffrant de fistules obstétricales.

J'ai reçu un choc. Certaines étaient dans cet hôpital depuis 10, 20 ans en attente d'être guéries. Elles étaient entassées, ne sachant où aller car rejetées par leur milieu social. Quelques-unes en avaient perdu la raison. Je me suis alors demandé si, au Burkina Faso, la situation était la même. Je ne pouvais pas imaginer qu'il y en aurait autant qu'au Niger. A mon retour, je me suis renseignée et j'ai ouvert la fondation RAMA en 2006. J'ai demandé le soutien de l'UNFPA. Nous avons eu beaucoup de chance, cinq femmes ont décidé de venir témoigner, de raconter leurs douleurs, leur parcours, leur manière de vivre et la façon dont elles sont rejetées par la société. L'UNFPA a accepté d'aider notre fondation et nous a donné des kits pour les opérations. Le Fonds nous a aussi donné un véhicule qui nous permet d'emmener les femmes vers les hôpitaux et d'aller à l'intérieur du pays, pour sensibiliser la population et détecter les femmes atteintes. La situation de ces femmes est déplorable. Elles sont accusées à tord d'être des « mélangeuses de grossesse », d'avoir eu des rapports sexuels hors mariage, ou encore d'être des sorcières. Pour nous, il est impératif d'aller à la rencontre des populations pour expliquer, faire connaître cette maladie.

 

Prise en charge

Aujourd'hui, quand une femme arrive à la fondation, elle est tout de suite prise en charge. En quatre jours, si aucune complication ne se présente, elle peut être opérée. Souvent, vu qu'elles vivent exclues, abandonnées, elles sont anémiées et malades. Parfois, l'urine, qui coule constamment, a rongé la peau de leurs cuisses qui ne sont plus que des plaies ouvertes. Il faut les soigner et cette prise en charge est très difficile car nous n'avons pas de moyens financiers pour les aider. Nous nous débrouillons comme nous pouvons. Quand les femmes sont au centre, il faut les nourrir. Là non plus, nous n'avons pas de ressources sur le long terme. Parfois, nous recevons quelques sacs de riz. Ces aides sporadiques sont les bienvenues mais ne suffisent pas à nourrir les patientes. Après avoir été opérées, notre rôle est de les amener également à être autonomes financièrement. Nous leur offrons une formation soit en tissage, en fabrication de savon ou encore en jardinage, l'alphabétisation grâce a l'appui de l'UNFPA.

Des larmes et de la joie

Sept ans de bataille... et pleins de souvenirs ! Mais je me rappelle très bien d'un jour de l'année 2009. J'ai pleuré. Nous avions réuni 35 femmes qui devaient se faire opérer. Les kits de matériel pour l'opération avaient été gracieusement donnés à notre fondation par une association. Arrivées dans un centre de prise en charge des victimes, les médecins ont demandé 1,5 millions de francs CFA pour opérer. La même association a accepté de donner l'argent. Une fois que les médecins ont eu l'argent, ils sont venus nous demander encore 500'000 francs CFA. L'association a fourni encore cette somme. Finalement, ils ont refusé d'opérer. J'ai pleuré comme un enfant. J'ai voulu laisser tomber. Il était 13h, je ne sais pas pourquoi mais j'ai eu l'instinct d'aller voir le Ministre de la santé. Je n'avais pas de rendez-vous, j'ai attendu qu'il me reçoive. J'ai pleuré, encore et encore jusqu'à ce qu'il me demande « Que se passe-t-il Tantie ? » Quelques heures plus tard, les femmes se faisaient opérer.

 

Et moi, j'ai continué la lutte. Heureusement car, en 2012, cela a été un événement inverse, de grande joie. L'UNFPA m'a appelée pour me dire que Anne C. Richards, la Secrétaire d'Etat américaine adjointe à la Population, aux Réfugiés et à la Migration, voulait expressément venir rencontrer les femmes de la fondation ! Après sa visite, nous avons même reçu une lettre de la Première Dame, Mme Chantal Compaoré, nous félicitant pour notre travail. C'était magnifique et cela nous a montré qu'il ne faut pas baisser les bras mais continuer à soigner ces femmes et à éduquer le public pour que chaque femme retrouve sa dignité. »

 

Programme de la fondation Rama pour cette première journée internationale de lutte contre les fistules obstétricales

Le 23 mai, la fondation Rama, sur son terrain d'un hectar et demi attribué par le Maire de la commune rural de Komsilga à l'extérieur de Ouaga, renforcera la sensibilisation avec des animations par les jeunes du village, des exposés sur la fistule obstétricale, une projection de films et d'autres activités. La fondation attend curieux, concernés et tout le public dès 10h.

Vous êtes tous la/le bienvenu/e pour prendre part activement à lutter contre cette maladie qui nous concerne tous.

 

Doline CHARMILLOT unité de communication, UNFPA - Burkina Faso

 

Visite de la serre, le vendredi 16 août 2013: http://flic.kr/s/aHsjHxJrrY