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Cécile Béloum, Présidente de l'association AMMIE : « Dans le contexte de polygamie, les femmes se concurrencent avec le nombre d’enfants »

Cécile Béloum, Présidente de l'association AMMIE : « Dans le contexte de polygamie, les femmes se concurrencent avec le nombre d’enfants »

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Cécile Béloum, Présidente de l'association AMMIE : « Dans le contexte de polygamie, les femmes se concurrencent avec le nombre d’enfants »

calendar_today 28 Juin 2013

Au cours de la séance de plaidoyer organisée à Ouahigouya le 19 juin 2013, la présidente de l'association AMMIE (Appui moral, matériel et intellectuel à l'enfant), madame Cécile Beloum, faisait partie des nombreux acteurs présents suite à l'appel de l'UNFPA et de la Direction régionale de la santé. Depuis plusieurs années, elle s'active aux côtés des structures étatiques pour faire de la planification familiale une réalité dans la Région du Nord.

Rencontre avec cette leader communautaire qui ne ménage aucun effort pour persuader les femmes à adopter les méthodes contraceptives.

 

En tant que leader communautaire, comment pensez-vous pouvoir relancer la planification familiale dans la Région du Nord ?

Il faut sensibiliser les femmes, les belles-mères et même les mamans qui, parfois, mettent une pression sociale sur leurs filles et belles-filles afin qu'elles fassent un autre enfant. Elles sont les partenaires négligés de la sensibilisation. Il faut noter qu'avant, les maris n'adhéraient pas à la planification familiale parce qu'ils estimaient qu'elle entraînerait leur(s) femme(s) dans l'infidélité. Mais c'est une mentalité qui est en train de disparaître. Aujourd'hui, on trouve même des maris qui accompagnent leurs épouses dans les services de santé maternelle et infantile (SMI) et maternités ! Le problème, c'est le manque d'informations sur les méthodes contraceptives et la peur de leur prétendue irréversibilité. Certaines sont réticentes parce qu'elles se demandent si elles pourront faire un autre enfant après la contraception.

Quelles stratégies devraient être utilisées à votre avis pour impliquer ces partenaires négligés dont vous parlez ?

Il est impératif de porter le message au-delà des femmes qui sont en âge de procréer et toucher également les vielles femmes, les tantes, belles mères et mères, ayant une influence dans la communauté. C'est grâce à une sensibilisation axée sur ce public précis aussi que nous arriverons à faire adhérer beaucoup plus de couples à la planification familiale.

Quelle est la stratégie utilisée par l'association AMMIE  pour avoir l'adhésion des hommes?

On sensibilise les femmes membres de l'association et une fois qu'elles ont compris le message, on leur demande de faire venir leurs maris. Au cours des échanges, maris et femmes se rejettent la responsabilité mais on finit par trouver un accord, à savoir que chacun à sa partition à jouer. Enfin de compte, les hommes finissent par reconnaitre qu'ils sont les principaux bénéficiaires de la planification familiale car la femme est disponible pour la famille, pour l'homme et pour les enfants qui sont bien traités et bien portants. Mais au départ les hommes sont réticents, ils ne veulent pas aller écouter les messages de sensibilisation.

Comment avez- vous résolu ce problème ?

Nous avons insisté sur la nécessité pour les hommes de faire partie de ces séances. Lors des rencontres, nous invitons tout le monde sans exclusion. Nous insistons particulièrement sur leur participation et celles des belles-mères et des tantes.

Quelle est la situation en milieu rural ?

Le milieu rural adopte également de plus en plus les méthodes contraceptives mais le taux est très faible. Les méthodes les plus faciles à utiliser ce sont les implants et le dispositif intra-utérin alors que ces deux méthodes demandent un  recours à des techniciens si bien que le problème d'accessibilité reste une réalité. Il y a des femmes qui sont à cinq voire dix  kilomètres d'une formation sanitaire ! La distribution à base communautaire a permis de réduire ce problème. Celle-ci est avantageuse car la distribution se fait à domicile et est donc plus discrète.

Comment faire face à cette inaccessibilité?

Si le message est transmis correctement, les populations vont accepter de se déplacer malgré les longues distances pour adopter une méthode de contraception. Pour le dispositif intra-utérin ou les implants, une fois en place, il est possible de les porter pendant plusieurs années. Il manque de la conviction et le sujet reste un tabou. Elles se demandent toujours « Qu'est-ce que les gens vont penser si j'adopte des méthodes contraceptives » ? Il faut relever tous ces défis : amener les gens à savoir que c'est bien d'espacer les naissances, que tout le monde a intérêt à le faire et qu'il n'est pas nécessaire de se cacher.

Pensez-vous que les stratégies de communication utilisées aujourd'hui sont pertinentes ?

Oui. Ce sont des méthodes d'animation pour convaincre. Il faut surtout renforcer les capacités de ceux qui donnent les messages, les amener à adapter les stratégies à chaque contexte pour prendre en compte tout le monde. Un autre problème se pose dans le contexte de polygamie car les femmes se concurrencent  avec le nombre d'enfants. Si elles ne savent pas qu'en faisant beaucoup d'enfants, elles peuvent mourir et donc  laisser  des orphelins, elles vont continuer à en faire. Mieux vaut avoir deux, trois enfants, et bien les éduquer, les soigner, satisfaire leurs besoins plutôt qu'en faire sept ou huit. Les messages doivent être donc ciblés et adaptés au contexte.