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Sidpassamdé, 42 ans, mère de 9 enfants est une tradi-praticienne. A ses temps libres, elle se joint à l’Association pour le développement intégré du Burkina Faso (ADIBF), un partenaire d’exécution du Fonds des Nations Unies pour la population (UNFPA), pour sensibiliser les communautés de la région du Centre-Nord du Burkina Faso sur les conséquences  de la pratique de l’excision. Aujourd’hui, nous la rencontrons  en plein debriefing avec les animateurs de l’association, après une causerie éducative.


Très sollicitée dans le passé pour la pratique de l'excision en raison de son 
statut de tradi-praticienne, Sidpassamdé a définitivement abandonné cette pratique néfaste

Lutter contre la pratique de l’excision n’a pas toujours été son combat. Bien au contraire ! A Niagado, petit village situé à une vingtaine de kilomètres de Kaya (régions du Centre-Nord) et où elle est née en 1980, Sidpassamdé a été initiée à la pratique de l’excision par sa propre mère dès l’adolescence. Sa première fille, aujourd’hui âgée de 20 ans, a été sa première victime. Elle confie : « chez nous, l’initiation à la pratique se fait de mère en fille. Et, généralement, c’est avec ta propre fille que tu commences ta carrière d’exciseuse ».

A l’époque, Sidpassamdé, tout comme sa mère, avait un atout particulier : le fait d’être tradi-praticienne et accoucheuse villageoise. « Mes connaissances de la médecine traditionnelle attiraient davantage les membres de la communauté vers moi pour l’excision des enfants, car ils étaient convaincus qu’en cas de complications, je saurais trouver rapidement le remède adéquat » confirme-t-elle, convaincue qu’elle rendait  service à la communauté.


Sidpassamdé, ici en causerie éducative sur les conséquences des MGF dans sa communauté

La prise de conscience des dangers de l’excision est intervenue il y a maintenant 5 ans, après avoir participé à une séance d’animation sur le sujet. Mais c’est surtout la participation à un séminaire de formation organisé dans le cadre programme conjoint pour l’élimination des mutilations génitales féminines qui va changer définitivement sa mentalité. « Au cours de cette formation, j’ai été stupéfaite et hallucinée de comprendre, à travers des vidéos et des photos réelles, tout ce que nous faisions courir comme risques aux jeunes filles en les excisant : les difficultés à la procréation, les chocs psychologiques, le traumatisme, etc. Depuis lors, j’ai enterré définitivement mon matériel d’excision. Et comme ma voix compte au sein de ma communauté en tant que tradi-praticienne, j’ai décidé également d’apporter ma contribution dans la lutte pour l’abandon de la pratique de l’excision ».

 

Ancienne exciseuse reconvertie pour l’élimination des Mutilations Génitales Féminines au sein de sa communauté 

La stratégie de l’ancienne exciseuse pour opérer le changement de mentalité est bâtie sur des discussions franches pour partager les expériences de vie de couple des filles non-excisées. Pour elle, il s’agit d’opposer aux normes sociales traditionnelles idéalisant la pratique de l’excision, les vertus de la fille non-excisée. « C’est important de démontrer à tout le monde que la fille non excisée est plus épanouie dans sa vie de couple. Elle peut accoucher plus aisément et a des relations intimes plus agréables. » Sidpassamdé est soutenue dans ce combat par son époux, Tindbamda Ouédraogo, qui se réjouit que son épouse « ait cessé de verser le sang de jeunes filles innocentes ».


Le couple Ouédraogo se réjouit de contribuer à la lutte pour l'éliminiation des mutilations génitales féminines

Les activités de sensibilisation menées par l’Association pour le développement intégré du Burkina Faso (ADIBF) sont soutenues par le Programme conjoint UNFPA-UNICEF pour l'élimination des  mutilations génitales féminines. Au Burkina Faso, le programme conjoint est à sa 4e phase et vise à éradiquer les Mutilations Génitales Féminines (MGF) à l’horizon 2030. En 2021, ce sont 382 201 personnes qui ont été informées sur les conséquences néfastes des MGF dans les régions du Sahel, du Centre-Ouest, du Centre Nord, de la Boucle du Mouhoun, du Plateau-Central, du Nord, du Centre et de l’Est. 133 634 filles vulnérables ont été formées en compétences de vie courante et 345 d’entre elles ont été soutenues pour développer des activités génératrices de revenus (AGR) dans la perspective d’une meilleure promotion de l’élimination des MGF dans leurs communautés. En outre, 1 235 villages supplémentaires ont déclaré publiquement l'abandon des MGF, portant ainsi le nombre total de villages concernés à 4 768 sur 8 800 villages à travers le pays durant la phase III du programme.