La fistule obstétricale : entre sorcellerie et réalités
Do you prefer in English? It's here!
Le jeudi 23 mai 2013, et pour la première fois, sera célébrée la Journée internationale de lutte contre les fistules obstétricales. Elle fait suite à dix ans de lutte, débuté en 2003 par l'UNFPA via une campagne mondiale de lutte contre cette maladie qui reste peu, voir pas, connue. Au Burkina Faso, l'UNFPA et ses partenaires se battent pour que plus aucune femme n'en souffre et que toutes celles qui sont atteintes soient guéries et retrouvent leur dignité.
Fistules obstétricales... un nom un peu barbare qui ne résonne avec aucun concept connu pour la majorité des personnes. Maladie inconnue, elle touche, pourtant, près de deux millions de femmes dans le monde. Chaque année, environ 50'000 à 100'000 nouvelles victimes en seraient atteintes. Vu l'ampleur du mal, l'assemblée générale des Nations Unies n'a pas hésité à nommer le 23 mai la Journée internationale de lutte contre les fistules obstétricales.
Médicalement, la fistule obstétricale n'est pas difficile à comprendre. Elle survient généralement chez les femmes les plus jeunes (moins de 25 ans) et les plus pauvres, n'ayant pas d'accès aux soins obstétricaux de base. Les organes, qui ne sont pas encore à maturité, empêchent un accouchement sans complication. Le travail prolongé, de plus de 12 heures, provoque la fistule suite à une compression prolongée. Cela bloque l'irrigation sanguine des tissus qui finissent par se nécroser. Les tissus morts chutent vers le 4ème - 5ème jour après l'accouchement, ce qui laisse une voie de communication entre le vagin et la vessie et/ou le rectum. La fistule obstétricale se soigne chirurgicalement, avec un taux de réussite évalué entre 70% à 85%. De plus, une femme guérie peut accoucher à nouveau par voie basse (voie naturelle).
Perdre sa dignité
Ce mal, en plus d'être inconnu, est mystifié. Comme l'a démontré une étude sur les Représentations sociales des fistules obstétricales : résultats d'une étude qualitative dans trois régions sanitaires du Burkina Faso, « la cause mystique est sans cesse évoquée, liée soit au sort jeté par une personne que la femme victime de fistule obstétricale aurait offensée, soit à son infidélité qui a rendu son accouchement difficile. » L'analyse des données indique que « Les hommes évoquent en premier un sort jeté à la femme suite à son comportement irrévérencieux à l'égard des personnes âgées ou encore à l'égard d'un prétendant malheureux. » L'urine et/ou les selles étant incontrôlables, certaines arrêtent de boire pour stopper l'écoulement. Comme elles dégagent une mauvaise odeur, personne ne veut rester en contact avec elles ou manger leurs plats. Elles se nettoient sans cesse, dépensant leur faible revenu en savon. Recluses, exclues, elles sont abandonnées de tous, sans solution et ayant perdu toute dignité. « La fistule obstétricale, c'est l'échec du système, explique Dr. Michel Nassa Sawadogo, chargé de programme fistules obstétricales et mutilations génitales féminines à l'UNFPA. Si la femme est atteinte, c'est que toutes les actions qui doivent être réalisées en aval ont échoué. »
Une journée internationale qui a toute son importance
Pour ces multiples raisons, l'UNFPA, en collaboration avec ses partenaires et le gouvernement, s'est donné pour mission d'informer la population, de la sensibiliser afin d'éradiquer la fistule obstétricale. Pour cela, il est nécessaire d'augmenter l'accès aux soins maternels, y compris la planification familiale, de retarder l'âge du mariage et de la première grossesse, de lutter contre les pratiques traditionnelles néfastes (par exemple : le premier accouchement doit se faire obligatoirement dans la famille de la jeune femme et non pas dans un centre de santé), de favoriser l'utilisation des services de santé par les hommes et par les femmes, de promouvoir la scolarisation de la jeune fille, de faciliter l'accès aux soins obstétricaux d'urgence et de renforcer la qualité des services de soins obstétricaux d'urgence.
C'est dans cette optique que l'UNFPA, en partenariat avec le Gouvernement du Burkina Faso, a lancé le premier programme national de luttre contre les fistules obstétricales couvrant la période 2004-2008, suivi en 2011 par un deuxième programme (2011-2015). Entretemps, un projet a porté ses fruits dans la région du Sahel. Lancé en juillet 2008, cet projet Appui au programme de lutte contre les fistules obstétricales pour l'amélioration de la sécurité humaine et du bien-être de la population de la région du Sahel a permis d'opérer 433 femmes.
Récits de vie d'Aïssatou et Sibidou (vidéo)
Film documentaire Vivre avec la fistule (vidéo)
Historique des programmes au niveau international et national
- 2003 : L'UNFPA global s'empare du problème et lance une campagne mondiale d'éradication des fistules obstétricales.
- 2005 : Premier programme national de lutte contre les fistules obstétricales au Burkina Faso (2004-2008),
- 2008 : Lancement du projet Appui au programme de lutte contre les Fistules obstétricales pour l'amélioration de la sécurité humaine et du bien-être de la population de la région du Sahel le 22 juillet 2008 à Dori. Partenariat entre le grand duché de Luxembourg, OMS, UNICEF, FCI, UNFPA.
- 2011 : Deuxième programme de lutte au plan national (2011-2015).
- 2013 : Nouveau projet, similaire à celui pour le Sahel, en phase de finalisation pour trois régions du Burkina Faso.
Documents
Deuxième pogramme national: Programme national de lutte contre les fistules obstétricales 2011-2015
Vocabulaire
La fistule obstétricale est une maladie honteuse et cachée, synonyme de mort sociale. Cela se ressent dans la signification donnée par les termes qui la désignent dans les différentes langues des ethnies du Burkina Faso.
Origine linguistique |
Désignation de la fistule |
Type de désignation |
Traduction littérale |
Bissa |
« Daari Teiman »
« Sosana bo yaare » |
Péjoratif
Descriptif/péjoratif |
Cette femme souillée par les urines
Uriner au hasard |
Fulfulde |
« Natoudo »
« Debomo eougougou bonni » |
Descriptif
Emotif |
Pendant l'accouchement, la vessie s'est déchirée et ça s'est mélangé. La femme que l'accouchement a gâtée. |
Gulmancema |
« Oyigué »
« Karigu » |
Descriptif/générique
Générique |
Elle s'est vidée, son appareil génital est sorti Maladie de femme, idée d'un sort |
Moore |
« Kaodgo » |
Péjoratif/punitif |
Fissure, cassure de l'appareil génital de la femme en vue de la punir (idée d'un sort) |
Principaux partenaires
Ministère de la promotion de la femme et du genre
Visite de la serre de la fondation RAMA
« La fistule obstétricale n'est ni une malédiction des ancêtres, ni une fatalité »
Doline CHARMILLOT, unité de communication de l'UNFPA - Burkina Faso