Durant 15 jours, du 24 novembre au 08 Décembre 2018, le centre médical avec antenne chirurgicale (CMA) SCHIPHRA à Ouagadougou, a accueilli une campagne entièrement gratuite de chirurgie réparatrice des fistules obstétricales. Lors de cette campagne organisée chaque année avec l’appui de l’UNFPA, les populations ont été fortement mises à contribution, afin que les victimes de fistules obstétricales puissent bénéficier de soins réparateurs. Pour ces dernières, les frais étaient entièrement pris en charge par l’hôpital, notamment, le transport, les examens médicaux, la restauration, l’hospitalisation et l’acte opératoire. « Médecins de Désert », c’est une équipe de chirurgiens volontaires ayant pour vocation d’apporter des soins aux plus démunies. Depuis 2001, les membres de cette ASBL parcourent l’Afrique et donnent de leur temps et de leurs compétences gratuitement.
50 femmes opérées
Cette année, l’ASBL plante sa tente dans la cour du centre hospitalier Schiphra avec une équipe de 4 chirurgiens urologue gynécologue, 4 infirmières et un logisticien. Sur une quarantaine d’opérations initialement prévue cette année, les chirurgiens ont finalement dû intervenir sur une cinquantaine de patientes.
Pour David BOVIE, « il nous est impossible de refuser des soins aux femmes venues pour cette campagne… alors tant que nous le pouvons, nous intervenons ». Offrir des soins aux femmes victimes de fistules, travailler en collaboration, renforcer les capacités des équipes locales sont les principes des bénévoles de médecins du Désert.
Pour Jacqueline, donner de son temps pour venir en aide aux femmes victimes de la fistule est une vocation. « J’ai reçu la visite cette année, d’une femme que nous avons opéré en 2016 lors de notre première mission au Burkina Faso. Elle est venue nous présenter ses deux jumelles. Ce fut mon plus beau cadeau » nous confie avec émotion cette infirmière à la retraite. Avec Médecins du Désert, elle est de tous les combats pour les victimes de fistules. Selon elle, les victimes doivent être suivies avec le plus grand soin « 15 jours minimum de suivi post-opératoire sur place » l’intervention à elle seule ne suffit pas insistait elle avec le sourire. Pourtant, même avec le plus grand engouement, la réalité est parfois sombre. En effet les cas traités sont de diverses complexité, « … parfois il n’y a plus rien à réparer » nous confie –t-elle.
Certains cas sont extrêmes.
En effet chez de nombreuses victimes de fistules, les organes sont détériorés et les réparations deviennent quasiment impossibles. Ces femmes, opérées à plusieurs reprises sans succès ou avec des incontinences persistantes toujours plus mal vécues d’un point de vue social et moral sont démunies. Grâce au soutien de l’UNFPA, partenaire du CMA SCHIPHRA, la tenue de cette mission avec Médecins du désert permet selon le Dr SANOU, d’apporter de l’espoir à ces femmes pour qui il n’y en avait plus. Les compétences et le matériel déployés permettent en effet d’intervenir sur de tels cas. De plus, le principe de transfert de compétences permet aux chirurgiens locaux de bénéficier de formation et d’accompagnement, leur permettant de ce fait, d’être à même de réaliser de telles interventions dans le futur. Cette année notamment, 4 femmes ont pu profiter de dérivation sigmoïdienne.
La réinsertion des victimes traitées
La réhabilitation des femmes opérées reste un défi, en raison des pesanteurs socio-culturelles qui jettent le discrédit sur ces victimes, malgré la réparation. Selon Georgette KABORE attachée de santé en soins obstétricaux et gynécologiques , le phénomène perdure. En moyenne, seule 38% des femmes victimes de fistules arrivent à être réhabilitées à l’issue de leur intervention (étude réalisée sur un échantillon de 73 femmes traitées pour des fistules obstétricales au CMA SCHIPHRA. « Certains pensent toujours que la fistule est le résultat d’une malédiction ou d’une punition divine » ; « je recommande que les femmes reçues dans le cadre des soins reçoivent un accompagnement afin de les sensibiliser elles et leur entourage sur les causes réelles de la survenue des fistules ».
Un partenariat réussi
L’UNFPA œuvre au quotidien pour la réalisation de résultats transformationnels que sont : zéro décès maternel évitable, zéro besoin non satisfait en planification familiale et zéro violence basée sur le genre.
Selon le Dr NASSA Sawadogo Michel et le Dr Nadine Gilaht Paré de l’UNFPA, la satisfaction des besoins des femmes en planification familiale contribue énormément à la lutte contre la fistule obstétricale. De plus, la prévention de la fistule obstétricale contribue à celle de la mortalité maternelle.
En effet, selon l'OMS, pour chaque femme qui meurt en couche, 20 à 30 autres survivent mais avec des complications aiguës ou chroniques, dont la plus dramatique est la fistule obstétricale. Notons que la fistule obstétricale est une conséquence de violences basées sur le genre (VBG) telles que le mariage d'enfants (et son corollaire de grossesse précoce avec toutes ses conséquences), et des grossesses rapprochées. La fistule obstétricale est en même temps une source de violence à travers l'exclusion et la stigmatisation que subissent les victimes.
Pour rappel, l’action conjointe de l’UNFPA et du centre médical avec antenne chirurgicale (CMA) Schiphra s’inscrit dans le cadre du partenariat qu’entretiennent l’UNFPA et les structures confessionnelles pour la prise en charge chirurgicale des femmes victimes de fistule obstétricale depuis 2012.
A ce jour, ce sont plus de 1000 femmes victimes de fistule obstétricale qui ont été prise en charge au CMA Schiphra. Ce qui constitue et une référence de prise en charge des femmes victimes de fistule obstétricale au Burkina Faso. De plus, avec l’ouverture très prochaine de son nouveau centre, Schiphra voudrait assurer la prise en charge holistique des femmes victime de fistule obstétricale. Cela reste un défi pour notre partenariat.
Des résultats encourageants ...
Vu les résultats de cet exemple réussi de coopération et au regard des besoins à l’échelle nationale, les perspectives d’actions en faveur des victimes sont nombreuses. Parmi elles La mobilisation des ressources financières pour la lutte contre la fistule obstétricale est d’une importance capitale. Il s’agirait aussi d’une part, d’œuvrer à la mise en place d’un mécanisme en vue de faciliter le dépistage et le transfert des femmes victimes de fistule obstétricale vers les structures de prise en charge. D’autre part, le renforcement des compétences des prestataires du secteur public sur la technique de cure des fistules obstétricales et l'effectivité de la gratuité de la prise en charge de la fistule obstétricale dans les structures publiques
Enfin, agir pour l’amélioration de la réinsertion socio-économique des femmes victimes de fistules obstétricales.
Plus d’informations sur www.unfpa.org et sur medecinsdudesert.com
Désiré OUEDRAOGO