Selon les estimations de l'Organisation Mondiale de la Santé, au Burkina Faso, la prévalence de la fistule obstétricale est estimée à 16 080 cas en 2019 et l’incidence à 901 cas. La fistule obstétricale est l’une des lésions les plus graves et les plus dangereuses susceptibles de survenir lors d’un accouchement.
Les femmes qui présentent une fistule obstétricale souffrent d’une incontinence permanente. Le plus souvent abandonnées ou négligées par leurs familles, elles sont dans l’incapacité d’avoir une vie sociale épanouie et sont rejetées par leur communauté.
La fistule obstétricale résulte généralement d’un travail d’accouchement prolongé et difficile, sans intervention obstétricale (césarienne) pratiquée en temps opportun.
C’est le cas de Soumaïla, âgée de 42 ans qui a vécu avec une fistule obstétricale pendant 23 ans. A la suite d’un travail difficile lors de son premier accouchement qui occasionne de graves lésions, elle développe la maladie. Compte tenu des incontinences chroniques, elle est répudiée par son mari et par la suite, bannie de sa famille qui trouvait qu’elle était « sale ». « Je ne souhaite à un aucun être humain de vivre un tel calvaire. J’ai plusieurs fois songé au suicide pour en finir avec cette souffrance qui me rongeait le cœur ».
SOUFFRE-DOULEUR DE L’ISOLEMENT DE LA SOCIETE
Le cas de Soumaila n'est pas isolé. Marceline, âgée aujourd’hui de 45 ans, a vécu avec la fistule obstétricale pendant 12 ans avant d’obtenir des soins appropriés. Rejetée par sa famille et mise en quarantaine par la société, elle finit par trouver refuge au sein du Centre Hospitalier Universitaire Yalgado Ouédraogo, où elle élit domicile.
Elle a d’abord vécu pendant 5 ans avec la maladie avant de bénéficier d’une première chirurgie qui s’est soldée par un échec. Elle connait par la suite une série d’interventions jusqu’à la 9e intervention qui sera la bonne. Aujourd’hui, elle souffre toujours du rejet de sa famille et de la stigmatisation de ses proches à cause de l’incontinence vécue pendant toutes ces années. « Aujourd’hui je suis en vie, mais socialement, je suis morte. Je n’ai personne chez qui aller. Je suis obligée de vivre dans un hôpital au milieu des malades alors que je me porte bien maintenant. »
Les femmes qui souffrent de cette maladie sont pour la plupart vulnérables, susceptibles de sombrer dans la dépression et souvent condamnées à l’isolement social. Dans l’incapacité d’avoir un travail, du fait de l’incontinence causée par la maladie, les femmes vivant avec une fistule sont le plus souvent parmi les plus pauvres de la société.
UNE NOUVELLE VIE EST POSSIBLE
Soumaila et Marceline font partie des nombreuses femmes ayant bénéficié d’une chirurgie réparatrice gratuite à l’hôpital Protestant Schiphra de Ouagadougou. Après leur prise en charge effectuée en novembre 2019 , les 3 survivantes ne cachent guère leur joie d’avoir retrouvé le goût de vivre. Le sourire étincelant sur leurs visages témoigne d’une joie de vivre retrouvée.
En effet, le Fonds des Nations Unies pour la Population appuie chaque année la prise en charge chirurgicale gratuite des femmes victimes de fistules obstétricales, par les structures privées confessionnelles. De 2018 au premier trimestre 2020, ce sont 596 femmes victimes de fistule qui ont bénéficié d’une prise en charge chirurgicale.
EN DEPIT DE LA PANDEMIE DU COVID-19, LES EFFORTS DOIVENT SE POURSUIVRE
Depuis 2013, la journée internationale pour l'élimination de la fistule obstétricale qui est célébrée chaque 23 mai a pour but d’attirer l’attention sur cette maladie invalidante mais méconnue du public dans le domaine de la santé maternelle.
« Depuis 2003, nous avons permis à plus de 113 000 femmes de bénéficier d’une intervention chirurgicale de réparation suite à une fistule. Nous devons toutefois accélérer nos efforts si nous voulons atteindre notre objectif et éliminer la fistule à l’échelle mondiale d’ici à 2030, l’échéance qui a été fixée pour atteindre les objectifs de développement durable » a souligné Dr Natalia Kanem, Directrice exécutive de l'UNFPA dans sa déclaration à l'occasion de la Journée internationale pour l'élimination des fistules obstétricales du 23 mai 2020.
Dans le contexte de la riposte à la pandémie du COVID-19, les efforts pour mettre fin à la fistule doivent se poursuivre. La fourniture de services de santé maternelle de qualité et universelle doit rester une priorité. Les services de prévention, de traitement et de suivi de la fistule doivent également bénéficier d’une attention particulière.
L'élimination des fistules est un élément clé pour «ne laisser personne de côté » et le monde risque de ne pas atteindre les cibles des ODD s'il reste une femme / fille dans le monde qui souffre de fistule. Il est donc essentiel d’intégrer la fistule dans la planification au niveau national des ODD.
Rédaction : Pélagie Nabolé
Phogographies : Désiré Ouédraogo