La fistule obstétricale est l’une des lésions les plus graves susceptibles de survenir lors d’un accouchement. Au Burkina Faso, selon les estimations de l’OMS, la prévalence de la fistule obstétricale était estimée à 16 080 cas en 2019 et l’incidence à 901 cas. Cependant, prises en charge à temps, les femmes qui souffrent de cette maladie peuvent être guéries. C’est l’exemple d’Elise, agée aujourd’hui de 55 ans et mère de trois enfants.
« Je ne connaissais pas cette maladie. C’est suite à un accouchement que cela s’est déclenché. Nous sommes repartis au centre de santé et ils nous ont donné des médicaments. Mais rien n’a changé », explique la cinquantenaire. Au contraire, les choses se sont aggravées. « Je n’arrivais plus à me contenir. Quand je m’asseyais, les urines coulaient seules où que je sois, au marché ou à la maison », se souvient-elle. Grâce à son entourage, elle a été référée à la Fondation Rama d’aide aux femmes victimes de fistule obstétricale, une structure partenaire de l’UNFPA pour la prise en charge des victims de la fistule au Burkina Faso.
Aujourd’hui, Elise est totalement guérie et les souffrances endurées ne sont qu’un mauvais souvenir. « Certaines femmes font plusieurs interventions chirurgicales avant d’être rétablies. Moi, je rends grâce à Dieu. Une seule intervention m’a permis de retrouver ma dignité », a-t-elle déclaré. Guérie, Elise est maintenant un agent de sensibilisation pour la prévention et la prise en charge adéquate de la fistule au sein de sa communauté. « Je suis la preuve vivante que cette maladie honteuse peut être guérie. Je parle autour de moi. Si j’entends qu’une femme en souffre dans la communauté, je la sensibilise pour qu’elle vienne ici à la fondation ». C’est donc grâce à Elise, que Tampoko, une autre survivante de la fistule bénéficie aujourd’hui de soins.
Au-delà du mal qu’elle provoque chez la patiente, la fistule obstétricale l’isole et l’éloigne de ses proches et de toute sa communauté. C’est une double souffrance que ressentent les victimes : la maladie et le rejet. « C’est une maladie honteuse. Vous imaginez vous, j’avais plus de 40 ans et je n’arrivais pas à contenir mes urines. Qui voudra me tenir compagnie ? », explique Tampoko, aujourd’hui âgée de 50 ans. Elle a aussi bénéficié d'une prise en charge à travers la Fondation Rama.
Les lésions physiques associées et les idées reçues sur la cause de la fistule peuvent également conduire à la stigmatisation et à la discrimination, ce qui provoque aussi des souffrances psychologiques ainsi que des troubles de la santé mentale. En effet, les femmes et les filles atteintes de fistule ne peuvent généralement pas travailler, et sont souvent abandonnées par leur mari et leur famille, rejetées par leur communauté, ce qui aggrave leur pauvreté.
C’est pourquoi, avec l’appui de l’UNFPA, la fondation Rama d’aide aux femmes victimes de la fistule obstétricale ne se limite pas seulement aux soins médicaux. « En plus des soins médicaux, nous offrons aux femmes un appui psychologique et des formations sur des activités génératrices de revenus. Ici nous faisons du maraîchage, du tissage et la fabrication de savon. Tout cela pour aider les femmes, après guérison, à se réinsérer dans leurs communautés respectives », a soutenu Rasmata Kabré, Coordonnatrice de la fondation. Selon elle, la fondation peut recevoir 200 à 300 femmes par an.
Pour les soins de ces femmes, l’UNFPA, à travers la Direction de la santé de la famille, a signé une convention avec des centres hospitaliers pour une prise en charge gratuite. « Chaque femme guérie nous envoie au moins 10 autres femmes. L’UNFPA est le seul partenaire qui facilite l’accès des femmes qui souffrent de fistules à une prise en charge adéquate », précise Rasmata Kabré.
Depuis 2003, l’UNFPA a lancé une campagne mondiale pour l’élimination de la fistule obstétricale. A ce jour, plus de 129 000 opérations de chirurgie réparatrice ont été rendues possibles. Au Burkina Faso, ce sont plus de 4 118 femmes qui ont bénéficié de la chirurgie réparatrice depuis 2013. Au-delà des soins, la campagne mondiale vise aussi à faciliter la réinsertion des survivantes de la fistule avec l’initiation à des activités génératrices de revenus. En 2022, l’UNFPA a offert une infrastructure composée de 9 salles d’hospitalisation pouvant accueillir 18 lits, deux bureaux, un magasin et un espace pour mener des activités génératrices de revenus à l’Hôpital Schiphra 2 de Ouagadougou. Cette infrastructure permettra d’accueillir les femmes opérées de la fistule obstétricale pour leur suivi post-opératoire et leur réinsertion socio-économique.
Judicaël Gaël LOMPO