Malgré sa condition de femme déplacée interne, Bibata, 24 ans, a l’air épanouie aux côtés de sa belle-mère, son époux et ses deux enfants au secteur 4 de Kaya, dans la région du Centre-Nord au Burkina Faso. Cette joie de vivre, elle l’a recouvrée, il y a seulement quelques années. Dans la famille Sawadogo, elle est à sa deuxième union. Mariée une première fois à l’âge de 17 ans, l’union n’a fait long feu car le nouveau couple n’a pas pu « consommer le mariage » au cours de la nuit de noces. Toutes les tentatives du mari sont demeurées infructueuses. Le mari s’en ouvrit à ses parents. La décision est alors prise de répudier Bibata. La jeune fille fût ainsi remise à ses parents. En mémoire, elle garde encore intact le commentaire douloureux qu’a lancé sa belle-famille d’alors à ses géniteurs : « vous savez que votre enfant n’est pas une femme et vous nous laissez dépenser autant d’énergie et d’argent pour l’avoir en mariage… » ; comme si le sort s’acharnait contre Bibata, elle perdit sa génitrice quelques mois après. La jeune fille va passer une année entière dans la cour paternelle, fuyant le regard et les commentaires désobligeants de la communauté.
Un premier espoir viendra de Kiema Siguian, voyante et tradi-praticienne qui, dans ses pérégrinations, s’est rendue à Madou, le village de Bibata, à une quinzaine de kilomètres de Kaya, pour soigner des patients. Lors de son séjour, elle reçoit la visite des parents de Bibata qui lui expliquèrent leur préoccupation en ces termes : « Notre fille a une malformation génitale et ne peut avoir de relations intimes avec un homme. Elle a été répudiée de son foyer et nous souhaitons vous la confier pour des soins. Si vous parvenez à la guérir, vous pourrez la donner en mariage à un de vos proches ». L’accord est conclu. De retour à domicile dans le village de Guimbila toujours dans la région du Centre-Nord, la tradi-praticienne mobilise toutes ses connaissances mais ne parvient pas à tirer la jeune fille d’affaire.
Restaurée grâce aux interventions soutenues par l’UNFPA
C’est finalement le relais communautaire de l’Association pour le développement intégré du Burkina Faso (ADIBF), un partenaire d’exécution de l’UNFPA qui, après avoir appris la nouvelle, a organisé le dépistage de la jeune fille dans la formation sanitaire du village. Le diagnostic est formel : la jeune fille a été victime d’une excision de type 3 qui est l’ablation du clitoris, des petites et des grandes lèvres. En cicatrisant l’orifice a été refermée par les parois vaginales.
Avec ce diagnostic, l’ADIBF a assuré la prise en charge chirurgicale de Bibata au Centre hospitalier universitaire de Kaya. « La première fois, quand je me suis couchée sur le lit à l’hôpital, les souvenirs de l’excision me sont revenus en mémoire. Je me suis levé et j’ai fui » se remémore-t-elle. Il a fallu une préparation psychologique par les services de l’Action sociale avant de reprogrammer un autre rendez-vous avec le gynécologue. Ce second rendez-vous a été le bon. L’opération s’est bien déroulée et Bibata, toujours sous la tutelle de la tradi-praticienne, s’est remariée au fils de cette dernière. De cette union, sont nés Abdoulaye et Latifa, âgés respectivement de 5 ans et de 6 mois.
Dans le cadre du Programme conjoint UNFPA-UNICEF pour la promotion de l'élimination des Mutilations Génitales Féminines (MGF), une convention a été signée avec le ministère de la Santé. Ce partenariat permet de prendre en charge gratuitement la réparation des séquelles de l’excision partout au Burkina Faso. En 2021, ce sont 248 cas de séquelles de l’excision ont été pris en charge.