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OUAGADOUGOU, Burkina Faso -  Après avoir vécu pendant 21 ans avec une fistule obstétricale, Alice Ilboudo, est venue ce matin d’un village de Zorgho à 100 km de la capitale, toute heureuse,  accompagnée de son mari, pour sa consultation après sa cure d’il y a trois mois au Centre médical Schiphra.

Le Dr Dieudonné Ouédraogo, est le gynécologue qui l’a opéré gratuitement grâce à l’appui de l’UNFPA dans cette formation médicale confessionnelle. Cette dernière faisant partie des nombreuses formations sanitaires que l’UNFPA accompagne depuis l’an 2000 pour soigner les femmes victimes de la fistule obstétricale au Burkina Faso.

Les femmes qui présentent une fistule obstétricale souffrent d’une incontinence permanente, très handicapante. Depuis 2003, plus de 3 000 femmes ont été opérées de la fistule obstétricale au Burkina Faso. Pour l’année 2017, l’on dénombre 312 femmes opérées dont 85 dans les structures publiques et 227 dans les structures privées confessionnelles comme le Centre médical Schiphra.

Aujourd’hui, le Dr Ouédraogo et ses collègues gynécologues, reçoivent de moins en moins de nouveaux cas de fistules, et traitent plus de cas ayant déjà fait l’objet d’une intervention chirurgicale. Ce qui démontre la qualité des soins de santé maternelle et obstétricaux dans les centres de santé au Burkina Faso. Cependant cette tendance ne doit pas faire oublier que du fait de la discrimination sociale, engendrée par la maladie, plusieurs femmes comme Alice, n’ont pas accès à l’information sur la possibilité du traitement et de la guérison.

Un autre visage après la fistule

Les croyances, le regard de la communauté font que ces femmes vivent recluses et stigmatisées par  leur maladie. Au-delà du poids psychologique et physique lié à la maladie, leur revenu est affecté car elles ne peuvent plus mener d’activités rémunératrices, et subvenir aux besoins de la famille souligne le Dr Ouédraogo. C’est donc une autre vie, un second souffle qui commence pour les femmes guéries.

« Le plus important pour nous praticiens, c'est de revoir ces femmes guéries, toutes heureuses, qui ont réussi à se réintégrer dans la communauté ».

L’opération chirurgicale permet aux femmes victimes de recouvrer la santé physique. Elle leur permet aussi de retrouver leur dignité et leur place dans la société. Rendre la dignité aux victimes est une mission à laquelle l’UNFPA s’est engagée depuis le lancement en 2003 de la campagne mondiale pour l’élimination des fistules.

Encore de l’espoir pour les victimes

La communauté doit accompagner ces femmes victimes des complications de l’accouchement, elles qui voulaient donner la vie. Le mari de Alice, M.Tondé, l’a soutenu pendant les 21 ans qu’a duré sa maladie, contre les pressions venant de sa famille l’encourageant à répudier sa femme et à se remarier.

« Ce n’était pas facile de la voir ainsi vivre recluse pendant toutes ces années, dans la honte et les moqueries, et après 3 opérations, elle a enfin retrouvé la santé », s’exclame-t-il.

« Le rôle de la famille et de l’entourage est d’encourager et de redonner confiance. La fistule obstétricale n’est pas une malédiction ou une sanction » pour le Dr Ouédraogo.

Et c’est aussi le cas de Rosalie Kounikorogo, qui est venue en consultation prénatale ce matin à Schiphra. Malade depuis l’âge de19 ans, elle a subit trois interventions réussies, et est tombée enceinte après sa guérison. Elle avait quitté son village accompagné de son mari pour se réfugier aux encablures de Ouagadougou, à Kamboincé pour vivre incognito. Maintenant ils peuvent rentrer chez eux.

 

Au-delà du traitement et de la guérison, les questions de la sensibilisation, de l’information sur la fistule obstétricale, mais surtout de la réinsertion de ces femmes soignées reste un challenge pour le gouvernement du Burkina Faso et ses partenaires. Il faut mettre en place des structures d’accueil pour les femmes guéries, avant leur retour dans la communauté. Faire en sorte d’avoir des services de santé maternelle et de soins obstétricaux de qualité, reste le meilleur remède pour venir à bout de cette maladie. 

par Théodore Somda